Vu de ma meurtrière

Le téléphone portable que l’on se glisse à l’entrejambe après l’avoir mis en fonction vibreur, c’est du passé. De toute façon, de l’avis même de quelques curieuses, à chaque appel ce ne sont que quatre ou cinq vibrations, et il est difficile de composer sans cesse son propre numéro et se détendre parfaitement en même temps. Et si l’on est deux, allez trouver un(e) partenaire qui ne préfère pas, dans ce genre de situation, s’occuper d’un autre bouton que de celui du rappel automatique…

En revanche, ce qui sera sans conteste l’objet tendance des prochains mois, c’est le vibromasseur qui est commercialisé depuis peu par une grande marque de baladeurs.

C’est très bien conçu, si j’en crois ce que j’ai lu (bien sûr, je n’ai pas testé). Car les vibrations s’adaptent tant au rythme de la musique qu’au niveau sonore. Autrement dit, un bon beat avec du volume, c’est le bonheur assuré. Mais attention ! C’est bien gentil de se triPoder, mais pour le coup, la masturbation pourrait réellement rendre sourd, à cause de l’excès de décibels…

Ainsi, bientôt, quand vous observerez, assise à la terrasse d’un café, non loin de vous, ou dans le bus, ou le train, une femme écouter de la musique en souriant et se mordillant la lèvre, ses joues rosir, se tortiller légèrement sur sa chaise, vous pourrez raisonnablement vous demander si seules ses oreilles sont occupées par de menus objets reliés à son mp3.

Les tribunaux seront-ils surchargés d’affaires d’outrages aux bonnes mœurs dans les prochains mois ? De fraîches jeunes filles viendront-elles, encadrées par leurs parents gênés, rougissant sous les regards amusés, s’excuser devant des juges, en se demandant pourquoi on appelle ça « la barre » ? J’en doute. La pudeur reste une valeur stable en ces temps d’effondrement des bourses, même si le sexe est partout, y compris sur toutes les lèvres.

D’ailleurs, puisqu’on en parle, il y a des fois où certains feraient mieux de les garder fermées.

Ainsi, l’autre jour, j’étais à table avec des amis dans une brasserie alsacienne, loin de notre fière Cité du Ponant. Et juste derrière moi, le serveur a installé quatre bidochons tels que Binet les aime et les a décrits dans ses bandes dessinées. Et ça se croyait seuls dans le restaurant. Et ça parlait fort. Et ça riait gras. Avec mes amis, nous échangions des regards plus qu’amusés, nous sommes plusieurs fois passés tout près du fou rire.

Mais, alors que je venais de me servir en choucroute et charcuteries, j’ai entendu l’immonde Raymonde dire à ses congénères : « Vous pourrez manger de la poitrine fumée. Bon, les taches brunes sur la mienne, c’est pas du fumé, c’est parce qu’elle est vieille ». Croyez moi, j’ai eu du mal à savourer mon morceau de filet « kassler ».

Mais le pire, je crois, fut de les entendre se mettre à parler de sexe. Si, si, je vous jure. Avec en point d’orgue cette réplique que nous attribuerons à Robert, alors que je venais de me resservir : « Le plus désagréable, c’est d’écarter les poils d’un côté et de l’autre pour pas en bouffer ». Je vous promets que j’ai regardé ma choucroute d’un tout autre œil.

Connaissez-vous Monseigneur Gianfranco Girotti ? Non ? Vous perdez quelque chose ! Ce brave homme n’est autre que le Régent de la Pénitencerie Apostolique. Dit comme ça, ça a l’air d’être un boulot super sérieux, à tel point que j’aurais été en peine de vous dire ce dont il s’agit si je n’avais pas eu un Larousse à portée de main. C’est le « tribunal chargé auprès du Saint-Siège, au Vatican, des cas réservés et de la concession des indulgences ». Et ça, voyez-vous, c’est ce qu’on appelle le mystère de l’Eglise. Quand on vous donne l’explication d’un truc, vous comprenez encore moins.

Donc, nous avons « tribunal », ce qui indique que même l’Inquisition terminée depuis plusieurs siècles, on a su garder la structure de base, au cas où… Nous avons « cas réservés », ce qui veut dire qu’il y a des choses que seul le Pape peut décréter et c’est lui qui a raison et c’est comme ça. Et nous avons « concession des indulgences », ce qui veut dire que c’est aussi un endroit où l’on saura nous trouver les circonstances atténuantes nécessaires si l’on est dans les petits papiers de qui il faut. Bref. Il s’agit encore là d’un machin tellement poussiéreux que la seule chose dont on est sûr, c’est que Mgr Girotti n’est pas asthmatique.

Mais pourquoi nous parle-t-il de ce calotté violet, vous demandez-vous sûrement tout à coup, et il est temps, après deux paragraphes, bon sang, j’ai connu des huîtres plus vives…! Parce que ce gars-là, figurez-vous, a décidé qu’il y avait désormais d’autres péchés capitaux que ceux énoncés dans sa Somme Théologique par Thomas d’Aquin qui, lui, était loin d’être un con sinon ils ne l’auraient pas canonisé (là, il y avait une référence, vous chercherez).

Ceux qui sont allés au catéchisme et ceux qui ont un minimum de culture générale le savent, il y a – ou plutôt, donc, il y avait – sept péchés capitaux : l’orgueil, la paresse, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère et l’envie. Auxquels il convient donc désormais de rajouter les manipulations génétiques comme les OGM et le clonage, la pollution, le réchauffement climatique, les inégalités sociales ou encore l’usage de la drogue. Il paraît que Julien Courbet, depuis qu’il a appris la nouvelle, demande à TF1 de pouvoir faire une émission de quatre heures intitulée « les 12 péchés capitaux »…

Mais revenons à nos moutons. Car j’aurais pensé, justement, que l’Eglise aurait encouragé l’usage de la drogue. Surtout après qu’un chercheur israélien ait récemment publié le résultat de son travail, et affirmé que Moïse – pas Charlton Heston, le vrai – était sous l’effet de plantes psychotropes puissantes qui poussent dans le désert du Néguev et du Sinaï, quand il a retranscrit la parole du Divin. Défoncé, le Moïse !

On peut alors se demander ce que le présumé Jésus présumé Christ avait pris pour se considérer comme le fils de Dieu, et ce qu’Abraham avait pris pour être prêt à égorger son fils Isaac sur ordre de Dieu… Ce qui, au total, peut nous faire relativiser la crédibilité des fondateurs des trois religions monothéistes et, pourquoi pas, des religions elles-mêmes. Non ?

Bref ! Il y a quand même dans tout cela quelque chose qui m’a terriblement choqué, et là, je ne rigole plus du tout. Car Mgr Girotti, après l’annonce de ces nouveaux péchés, s’est déclaré « inquiet par l’avortement » (mais pas par la condition des femmes) « et par la pédophilie ». Par contre, il n’a rien dit sur un éventuel péché d’hypocrisie. Mais peut-être que ça l’arrange ?